Plonger dans la source
Voilà déjà bientôt 3 heures que nous marchons sur ce sentier, mon mari, mon fils et moi. Il est presque 13h, la chaleur est étouffante et la dernière montée a eu raison de ma détermination. Je suis épuisée. Le chemin a été difficile mais splendide. Le sentier longe la falaise de la côte de cette magnifique péninsule qui s’étend entre Camogli et Santa Marguerite Liguria en passant par le très chic Portofino. En contrebas la mer nous a accompagnés, ponctuant le chemin de vision rafraîchissantes, des taches d’un bleu profond jaillissant d’entre les bosquets d’arbres.
Je suis contente d’entamer la descente, enfin vers cette Abbaye qui était notre but à atteindre et qui marquera la moitié de notre randonnée et (enfin!) le moment du pique-nique au soleil. Mais je ne m’attendais pas à trouver dans ce lieu de quoi me ressourcer.
Enfin je l’aperçois, totalement inattendue et paradoxale. Un beau bâtiment de pierre claire, avec sa façade voûtée, les pieds plantés dans une petite plage, presque les pieds dans l’eau. Elle est lovée dans une minuscule crique, en contrebas de cette abrupte montagne: dans le golfe Paradiso. Mmmm … oui en effet, il y a ici un petit goût d’Eden.
L’eau est turquoise et transparente. Mais il y a tellement de touristes sur la petite plage, tellement de bruit. On est loin de l’endroit isolé et silencieux que j’aurais aimé trouver. Nous nous asseyons sur les rochers pour déguster la délicieuse foccacia au jambon frais que mon mari sort de son sac à dos. Silencieux et épuisés, nous contemplons la mer.
Je sors mon téléphone et je lis la légende liée à la construction de l’Abbaye qui aurait été d’abord construite au 8ème siècle. La légende raconte qu’un moine grec qui fuyait l’Espagne, ramenait avec lui les restes de « Saint Fructueux », un évêque martyre. Il eut la vision d’un ange qui lui indiqua un endroit où se réfugier, caché au pied des montagnes. Dans une grotte vivait un dragon. Mais l’ange lui indiqua qu’il ne devait pas avoir peur et qu’il vaincrait le dragon. Je suis fascinée par l’endroit et nous décidons d’en faire la visite.
Il ne reste pas grand chose des pièces où les moines ont vécu et prié. Mais les grandes salles aux fenêtres voûtées donnant sur la mer nous arrêtent un moment. Et quand nous arrivons à l’église, toute rénovée, je lis sur une plaque au mur que lorsque les bénédictins s’installent dans l’abbaye au Xème siècle, ils reconstruisent l’église et placent la tour de style byzantin à l’aplomb d’une source d’eau vive.
Je suis seule dans l’église. Face à l’autel, sous la tour du clocher. Sous mes pieds,l’eau vive. Un instant… là, je suis arrêtée par le sens de ce choix architectural. Et me reviennent en tête ces Paroles de Jésus:
« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et que celui qui croit en moi boive ». (Jean 7: 37)
Je reste un instant là, transfigurée. Ces moines du Xème siècle, dans ce lieu éloigné de tout, ils ont voulu, conçu leur église, le cœur de leur vie, sur cette source d’eau vive.
Nous montons derrière l’abbaye pour reprendre la dernière moitié de notre chemin. Je regarde en arrière et prend une dernière photographie de l’abbaye et de sa tour surtout.
Nous marchons et je ne peux m’empêcher de repenser à cette source. Et à des « fleuves d’eau vive ». Et mes pensées me ramènent jusqu’à ce prophète des anciens temps au nom angélique : Ezéchiel. Il raconte sa vision, sa rencontre avec son ange à lui. Un « individu » qui le guide jusqu’au Temple:
« Et je vis que de l’eau jaillissait de dessous le seuil du Temple. » Ezekiel, plongé dans l’eau jusqu’à la taille, écoute les explications de l’ange:
« Ces eaux s’écoulent vers la région Est du pays. Elles se jetteront dans la mer Morte. Quand elles se déverseront dans la mer celle-ci sera assainie. » « Et la vie se développera sur tout le passage du Torrent ». Ezéchiel 47
Sorti du torrent, Ezéchiel observe l’eau et les berges et il voit de arbres qui portent des fruits tous les mois de l’année et dont les feuilles sont médicinales.
Cette eau transforme les berges désertiques et l’eau morte de la mer Morte en Eden. Elle amène la vie là où il n’y a avait rien.
Dans l’épisode que Jean raconte, c’est le dernier jour d’une fête importante pour les juifs, la fête des Cabanes, pendant laquelle les prêtres versent l’eau de la source de Siloé sur le sol autour du temple pour qu’elle ruisselle.
C’est alors que Jésus prend la parole et dit qu’Il est une source d’eau vive.
Jean nous explique que cette eau c’est l’Esprit qui nous sera donné à la Pentecôte. Jésus est le vrai Temple d’où jaillit la source de la vie, de l’Esprit.
Ces pensées m’accompagnent tout au long du retour. Je pense à cet Esprit que J2sus a promis de donner à ceux qui l’aime, à tous ceux qui ont soif. C’est l’Esprit que Dieu m’a donné quand je lui ai donné ma vie.
Deux semaines plus tard, c’est le week end de la Pentecôte. Notre escapade en Ligurie me parait déjà loin. Le quotidien a vite repris ses droits : le travail, les courses, les repas à cuisiner, la fatigue qui revient trop vite. Et la réalité de la vie de famille avec deux adolescents.
Tout ne se passe pas vraiment comme je le souhaiterais. Notre famille connaît des tensions qui rendent notre quotidien difficile. Il n’y a rien de glorieux dans cet ordinaire. Je souffre de ces tensions, de ces conflits. J’ai parfois l’impression d’être en plein désert.
Souvent nos vies sont pareilles à la mer morte. Le chaos est réel. Une famille dysfonctionnelle, la maladie, les fins de mois difficiles, des enfants rebels. Nous avons parfois l’impression d’être dans un désert, de patauger dans une eau bourbeuse, l’eau épaisse de la mer Morte.
Le dimanche matin je me réveille tendue et un peu déprimée. Au cours de la matinée, par hasard dans la galerie de mon téléphone, je revois les photos de l’abbaye nichée dans sa crique. Je marche à nouveau dans son cloitre, dans la fraîcheur de son église. Je repense à cette source d’eau vive. Je ne souhaite qu’une chose: goûter de cette eau, m’y désaltérer, que sa fraîcheur coule dans mon corps, dans mon cœur. Cette prière monte en moi: « Viens, Esprit Saint! » et je me souviens qu’il est déjà en moi, cet esprit. Donné aux disciples par Dieu au départ de Jésus, en ce jour même de la Pentecôte. Donné à ceux qui l’aiment, ceux qui lui ont donné leur vie. Une source d’eau vive qui donne des ressources inattendues: une aide, une présence, une source d’amour.
« Et moi je prierai le Père et ils vous donnera quelqu’un d’autre pour vous aider, quelqu’un qui sera avec vous pour toujours: c’est l’Esprit de vérité. Vous, vous connaissez l’Esprit de vérité, parce qu’il reste avec vous, il habite en vous » (jean 14:16-17).
L’Esprit c’est la présence rafraîchissante de Dieu en nous qui l’aimons.
Il y a de l’espoir dans le chaos, de la vie dans nos déserts. Parce que nous avons accès à cette source pour nous «re-sources », nous désaltérer, trouver l’espoir qui donne le courage. Une eau vive qui rafraîchit pour nous donner la force de continuer à avancer. Mais pas seuls. Jamais seuls. Parce que ce que cet Esprit signifie aussi c’est que nous ne sommes jamais seuls. L’Esprit c’est la troisième personne de la trinité. C’est une personne qui nous a été donnée pour nous conseiller, nous accompagner, nous rappeler que nous sommes aimés. Toujours aimés.
Jésus nous a équipés par son Esprit pour rendre témoignage de Lui dans nos vies, notre quotidien, pour développer ces fruits qui nous aident à apporter un peu du Royaume de Dieu ici autour de nous: la charité, la joie, la paix, la patience, la bonté et l’amour.
Et en ce jour de Pentecôte, au milieu de mon chaos, de ma Mer Morte à moi, je prie. Comme les moines Bénédictins face à leur autel à l’aplomb de la source d’eau vive, je prie: « Maranatha! » : « Viens, Seigneur! » Et depuis ce jour-là tous les matins, je m’efforce de commencer ma journée en priant ses mots : « Viens, Père, viens Esprit Saint! Viens m’aider et ne me laisse jamais! »
Ma prière est que vous puissiez aussi accéder à cette source d’eau vive, pour y trouver les re-sources dont vous avez besoin.
Je vous embrasse!
Sophie





Commentaires
Enregistrer un commentaire