Le bon berger
Nous sommes dans le musée du Vatican et nous passons de salle en salle pour admirer les trésors artistiques exposés. Un couloir amène d’une salle à une autre.
La statuette est placée dans une armoire de verre, éclairée par la lumière de l’après-midi qui vient du grand jardin au dehors. C’est une petite oeuvre en or, placée sur un socle de marbre. Si petite que tous passent à côté sans la voir. De toute ma famille arpentant le musée, je suis la seule que l’œuvre arrête en plein de course.
Je m’approche et j’observe cette représentation de Jésus, le regard baissé qui tient un mouton dans ses bras, et guide un petit troupeau qui le suit tranquillement. Je ne remarque pas de plaque explicative, mais j’ai appris depuis que l’œuvre est celle de Rudolph Marschall, et s’intitule « Le Bon Berger. »
Nous sommes en 2020, et nous visitons Rome en pleine pandémie (entre nous soit dit: la meilleure période de toute l’histoire du tourisme pour visiter Rome, déserte et silencieuse!). Notre visite à Rome est une heureuse parenthèse dans une année qui pour tous à travers le monde fut une période d’angoisse, de solitude, de peine. Le monde entier est alors plongé dans l’angoisse de l’inconnu, d’une vie à réinventer, d’un isolement forcé et de mauvaises nouvelles en continu.
À ce moment-là, je suis convertie depuis 10 ans, encore une enfant dans ma foi. Une jeune chrétienne. J’apprends à connaître celui qui est devenu l’axe central de ma vie. Et j’apprends à vivre ma nouvelle vie, héritière de la résurrection. Ma foi m’a transformée à bien des égards. Et pourtant je reste encore la proie des angoisses qui m’ont accompagnées depuis l’enfance. Exacerbées par la crise du Covid, elles reviennent me hanter régulièrement.
C’est peut-être pour cela que je suis si émue par cette statuette.
Le petit mouton a enfoui son museau dans l’épaule de son berger. Celui-ci, le visage baissé, semble le couver du regard. Son visage est paisible, il marche d’un pas tranquille, comme le reste du troupeau derrière lui, qui lui emboîte le pas.
Je suis touchée à la fois par l’humble tranquillité du berger et par la façon dont sa main soutient l’agneau. La statuette dans son apparente simplicité révèle l’attention et l’amour du berger pour son agneau. J’envie l’animal, son relâchement, le réconfort qu’il trouve dans les bras de son protecteur.
Et je suis envahie par la gratitude qui vient de la certitude que mon Seigneur est ce berger. Qu’il est celui qui me protège et me garde, celui qui me donne le repos.
Émue, je m’arrête et je ne peux pas m’empêcher de prendre des photos. Je marque ce moment, je ne veux pas oublier ce que j’ai ressenti face à cette toute petite statuette.
Aujourd’hui, cinq ans plus tard, alors que je les croyais passées, les angoisses sont revenues. Il faut dire que je suis à un moment de ma vie où elles ont de quoi se nourrir. Les enfants ont commencé à quitter la maison, chacun vit sa vie, loin de moi. Le plus jeune veut devenir pilote, il prend des cours de pilotage. L‘aînée voyage seule et sera bientôt installée dans une grande ville pour y étudier.
Nous vivons dans un monde de violence et de dangers. Et mon esprit se nourrit des images et des informations pour me torturer avec d’autres images de situations terribles qui touchent ceux que j’aime le plus au monde. Parfois l’ombre qui m’envahit me coupe le souffle.
Je sais que mon esprit me ment et veut me faire oublier la bonté de Dieu.
Alors je me bats contre cette obscurité.
Et le souvenir de cette statue, de sa beauté, de la paix qui en émane fait partie de mes armes de combat. Elle me rappelle que je ne suis pas seule dans ma souffrance, dans ma peur. Elle me dit que je peux me réfugier dans les bras de mon bon berger.
Et je sais que ce berger a connu l’angoisse, la peur, l’ombre. Il le dit lui-même en Matthieu 26:37: «Il commença à être envahi d’une profonde tristesse, et l’angoisse le saisit. Alors il leur dit: « Je suis accablé de tristesse à en mourir » ».
Je sais qu’il a connu la terreur. Je ne suis pas seule dans ma peur. Et je sais aussi qu’il est venu dans ce monde, qu’il y a marché et vécu. Qu’il en a vu la réalité. Et qu’il est venu pour en restaurer la beauté.
Alors je sais qu’il peut aussi restaurer la lumière en moi. Par l’espérance qu’il me donne et la confiance que je place en Lui, je peux lutter contre mes angoisses.
Je remets alors tout entre ses mains: mes enfants, ma vie, la santé de ceux que j’aime.
Pour m’aider, je me récite le psaume 23:
« Le seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien
Il me met au repos sur de verts pâturages,
Il me conduit au calme près de l’eau.
Il me fait revivre! »
Beaucoup connaissent les versets liminaires du psaume.
Mais la partie que je préfère vient après:
« Même si je marche dans la vallée de l’ombre et de la mort,
Je ne redoute aucun mal, Seigneur, car tu m’accompagnes.
Tu me conduis, tu me défends, voilà ce qui me rassure ».
Psaume 23: 1-4
Les promesses de Dieu ne disent pas que ma vie sera sans soucis. Elles disent que Dieu rétablira son Royaume et qu’il nous équipe ici et maintenant par sa présence en nous, par son Esprit. La joie et l’espérance font partie de ses fruits. À moi de les cultiver!
Par la prière, par la gratitude, par la mémorisation de ses paroles et par l’imagination.
Quand mes angoisses m’assaillent, j’utilise toutes ces armes pour me battre.
Je suis un agneau et j’enfouis mon museau dans le creux de son bras.
Son visage baissé sur moi, Il me regarde et me dit: « Tu es aimée ».





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